LES CRISES SANITAIRES DE L’ANSM : ANALYSE JURIDIQUE DES CONDAMNATIONS ET MISES EN EXAMEN DANS LES AFFAIRES MÉDIATOR, LEVOTHYROX ET DÉPAKINE

Une analyse factuelle basée sur les décisions de justice officielles, les mises en examen et les documents judiciaires publics relatifs aux responsabilités de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Introduction : L’ANSM face à la Justice

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), successeur de l’Afssaps depuis 2012, s’est trouvée au cœur de trois scandales sanitaires majeurs qui ont marqué la justice française. Ces affaires – Médiator, Levothyrox et Dépakine – ont conduit à des procédures judiciaires exceptionnelles, aboutissant à des condamnations et mises en examen officielles de l’agence publique.

Cette analyse se fonde exclusivement sur les décisions de justice rendues publiques, les communications officielles de l’ANSM et les documents judiciaires vérifiables. Elle retrace chronologiquement les responsabilités juridiques établies par les tribunaux français dans ces trois crises sanitaires d’ampleur nationale.

Procès Médiator tribunal Paris

Le tribunal correctionnel de Paris lors du procès historique du Médiator en 2021 (Source: Le Monde)

I. L’AFFAIRE MÉDIATOR : LA PREMIÈRE CONDAMNATION HISTORIQUE (29 MARS 2021)

A. LE JUGEMENT DU TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE PARIS

Le 29 mars 2021, la 31e chambre du tribunal correctionnel de Paris a rendu une décision historique dans l’affaire Médiator, condamnant l’ANSM dans le cadre de la continuité juridique avec l’Afssaps. Cette condamnation marque la première fois qu’une agence publique de santé était reconnue pénalement responsable dans un scandale sanitaire de cette ampleur.

Source officielle : Communication de l’ANSM du 29 mars 2021

Citation : “L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) prend acte de sa condamnation par le tribunal de grande instance de Paris, dans le cadre d’une continuité juridique avec l’Afssaps.”

Le tribunal a infligé à l’ANSM la peine maximale de 225 000 euros pour “homicides et blessures involontaires” par négligence, considérant que l’agence avait failli dans son rôle de “police sanitaire et de gendarme du médicament”.

B. LES FAITS ÉTABLIS PAR LA JUSTICE

Le Médiator (benfluorex), commercialisé par les laboratoires Servier depuis 1976, a été retiré du marché en novembre 2009 après avoir causé des valvulopathies cardiaques et de l’hypertension artérielle pulmonaire. Le tribunal a établi que l’Afssaps (devenue ANSM) avait tardé à prendre les mesures nécessaires malgré les signaux d’alerte.

Condamnation Servier et ANSM

Annonce de la condamnation des laboratoires Servier et de l’ANSM dans l’affaire Médiator (Source: France Bleu)

La Cour de cassation, dans ses arrêts du 20 septembre 2017 et du 22 novembre 2017, avait déjà établi la chronologie des faits : “Le médiator, qui a été commercialisé en France par les laboratoires Servier à partir de 1976, a fait l’objet d’une décision de suspension d’autorisation de mise sur le marché prise par l’Afssaps le 30 novembre 2009.”

C. LA POSITION OFFICIELLE DE L’ANSM

Dans sa communication officielle du 29 mars 2021, l’ANSM a annoncé qu’elle ne ferait pas appel de cette décision :

“L’ANSM ne fera pas appel de cette décision. Pendant toute la durée du procès, l’ANSM a été présente en permanence et a participé aux débats judiciaires afin de concourir à la manifestation de la vérité et d’assumer sa responsabilité d’établissement public, en ne plaidant pas la relaxe.”

Arrivée au tribunal Servier

Arrivée de Jean-Philippe Seta, ancien numéro 2 des laboratoires Servier, au tribunal de Paris le 29 mars 2021 (Source: La Croix)

II. LE SCANDALE LEVOTHYROX : MISE EN EXAMEN POUR TROMPERIE (DÉCEMBRE 2022)

A. LA PREMIÈRE MISE EN EXAMEN (5 DÉCEMBRE 2022)

Le 5 décembre 2022, l’ANSM a été mise en examen pour “tromperie” par le juge d’instruction en charge du dossier de la nouvelle formule du Levothyrox. Cette mise en examen constitue une étape judiciaire majeure dans la reconnaissance des responsabilités de l’agence.

Source officielle : Communication de l’ANSM du 5 décembre 2022

Citation : “L’Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) a été mise en examen ce jour pour tromperie par le juge d’instruction en charge du dossier de la nouvelle formule du Levothyrox.”

Cette mise en examen fait suite au changement de formule du Levothyrox en mars 2017, qui a provoqué des effets indésirables chez de nombreux patients traités pour des troubles thyroïdiens.

ANSM Levothyrox enquête

L’ANSM face aux investigations judiciaires dans l’affaire Levothyrox (Source: Les Jours)

B. CONFIRMATION PAR LA COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE (MAI 2025)

Le 7 mai 2025, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé la mise en examen de l’ANSM, rejetant sa demande d’annulation. Cette décision judiciaire renforce la procédure pénale engagée contre l’agence.

Selon la communication officielle de l’ANSM du 28 mai 2025 : “L’ANSM avait sollicité devant la chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence la nullité de cette mise en examen. Par un arrêt rendu le 7 mai 2025, la Cour d’appel a rejeté cette demande.”

Confirmation mise en examen Levothyrox

Confirmation de la mise en examen de l’ANSM et Merck dans l’affaire Levothyrox par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (Source: France Bleu)

C. AGGRAVATION DES CHARGES (2024)

En 2024, les charges contre l’ANSM ont été aggravées. Selon Le Monde du 28 mai 2025 : “L’ANSM a été mise en examen en décembre 2022 pour ‘tromperie’, puis en 2024 pour ‘tromperie aggravée’.”

La justice administrative a également reconnu une faute de l’État. En avril 2025, la Cour administrative d’appel de Paris a établi que “l’État a commis une faute dans le dossier du Levothyrox, n’informant pas suffisamment les patients sur les effets secondaires.”

ANSM mise en examen tromperie

L’ANSM mise en examen pour tromperie dans l’affaire Levothyrox, décembre 2022 (Source: La Croix)

III. LA CRISE DÉPAKINE : MISE EN EXAMEN POUR HOMICIDES INVOLONTAIRES (NOVEMBRE 2020)

A. LA MISE EN EXAMEN DE NOVEMBRE 2020

En novembre 2020, l’ANSM a été mise en examen pour “blessures et homicides involontaires par négligence” dans l’affaire de la Dépakine. Cette procédure judiciaire concerne la commercialisation de cet anti-épileptique responsable de malformations congénitales et de troubles neurodéveloppementaux chez les enfants exposés in utero.

Source vérifiée : Ouest France Presse Océan, 16 novembre 2020

Citation : “L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a annoncé avoir été mise en examen pour blessures et homicides involontaires par négligence dans l’affaire de la commercialisation de cet anti-épileptique.”

ANSM Dépakine mise en examen

L’ANSM mise en examen pour homicides involontaires dans le scandale de la Dépakine (Source: Les Echos)

B. LE CONTEXTE JURIDIQUE ET MÉDICAL

La Dépakine (acide valproïque), commercialisée par Sanofi, est utilisée comme anti-épileptique depuis des décennies. Les études scientifiques ont progressivement établi ses effets tératogènes, mais l’information des patients et des prescripteurs a été tardive et insuffisante selon la justice.

Le Sénat, dans son rapport du 7 avril 2023, a confirmé : “L’Agence nationale de santé du médicament (ANSM) a également été mise en examen pour ‘blessures et homicides involontaires par négligence’.”

Scandale Dépakine ANSM

Le scandale de la Dépakine : l’ANSM mise en examen pour homicides involontaires (Source: Le Monde)

C. LES DÉCISIONS DE JUSTICE CONTRE SANOFI

Parallèlement à la mise en examen de l’ANSM, plusieurs décisions de justice ont condamné le laboratoire Sanofi. Le tribunal judiciaire de Paris, dans sa décision du 9 septembre 2024, a condamné Sanofi-Aventis France pour “défaut d’information” et ordonné le versement de près de 285 000 euros d’indemnités à Marine Martin et ses enfants.

Le tribunal de Nanterre, en mai 2022, avait déjà condamné Sanofi à verser 450 000 euros à une famille dont la fille était née avec des malformations liées à l’exposition in utero à la Dépakine.

Dépakine condamnation Sanofi

Sanofi condamné à indemniser les familles victimes de la Dépakine (Source: Le Monde)

IV. ANALYSE COMPARATIVE DES RESPONSABILITÉS JURIDIQUES

A. GRADATION DES SANCTIONS PÉNALES

L’analyse des trois affaires révèle une gradation dans la reconnaissance des responsabilités pénales de l’ANSM :

  • Médiator (2021) : Condamnation définitive pour “homicides et blessures involontaires” – amende de 225 000 euros
  • Dépakine (2020) : Mise en examen pour “blessures et homicides involontaires par négligence” – procédure en cours
  • Levothyrox (2022-2025) : Mise en examen pour “tromperie” puis “tromperie aggravée” – procédure en cours

B. Évolution de la Jurisprudence

Ces procédures marquent une évolution significative de la jurisprudence française concernant la responsabilité pénale des agences publiques de santé. Le principe de continuité juridique, établi dans l’affaire Médiator, permet de poursuivre l’ANSM pour les fautes de son prédécesseur l’Afssaps.

ANSM mise en examen homicides

L’ANSM mise en examen pour homicides involontaires dans l’affaire Dépakine (Source: France Bleu)

C. IMPACT SUR LA GOUVERNANCE SANITAIRE

Ces condamnations et mises en examen ont conduit l’ANSM à réformer profondément son fonctionnement. Comme l’indique sa communication officielle dans l’affaire Médiator : “La loi de 2011 sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé a créé l’ANSM, une agence aux règles de gouvernance, de fonctionnement et de financement, fondamentalement différentes de celles de l’Afssaps.”

V. PROCÉDURES EN COURS ET PERSPECTIVES JUDICIAIRES

A. LE PROCÈS EN APPEL DU MÉDIATOR

Bien que l’ANSM n’ait pas fait appel de sa condamnation, le procès en appel concernant les autres parties s’est tenu du 9 janvier au 8 juin 2023 devant la cour d’appel de Paris. Cette procédure a permis de réexaminer l’ensemble du dossier sur une période de six mois.

B. Évolution des Affaires Levothyrox et Dépakine

Les procédures concernant le Levothyrox et la Dépakine demeurent en cours d’instruction. L’ANSM a annoncé son pourvoi en cassation dans l’affaire Levothyrox, comme indiqué dans sa communication du 28 mai 2025.

Pour la Dépakine, la procédure d’instruction se poursuit, avec des développements réguliers concernant les responsabilités respectives de l’ANSM et du laboratoire Sanofi.

Justice Dépakine responsabilité Etat

La justice reconnaît la responsabilité de l’État dans le scandale de la Dépakine (Source: Le Monde)

VI. CONCLUSION : DÉFAILLANCES INSTITUTIONNELLES ET RÉFORMES NÉCESSAIRES

A. BILAN JUDICIAIRE DES RESPONSABILITÉS

L’analyse factuelle des décisions de justice révèle un bilan lourd pour l’ANSM : une condamnation définitive dans l’affaire Médiator et deux mises en examen en cours d’instruction pour les affaires Dépakine et Levothyrox. Ces procédures établissent juridiquement les défaillances de l’agence dans son rôle de régulateur et de protecteur de la santé publique.

Les qualifications pénales retenues – homicides et blessures involontaires, tromperie aggravée – témoignent de la gravité des manquements établis par les juges d’instruction et les tribunaux. Ces décisions marquent une rupture dans l’approche judiciaire des responsabilités des agences publiques sanitaires.

B. IMPACT SUR LA CONFIANCE PUBLIQUE

Comme l’a souligné le tribunal dans l’affaire Médiator, ces scandales ont entraîné “une méfiance considérable” vis-à-vis des institutions sanitaires. Les condamnations et mises en examen constituent une reconnaissance judiciaire des souffrances des victimes et de leurs familles.

L’ANSM a reconnu cette réalité dans ses communications officielles, notamment dans l’affaire Levothyrox où elle déclare : “L’ANSM n’a jamais nié les difficultés rencontrées par certains patients et se préoccupe de manière constante et quotidienne de la sécurité et de la santé des patients.”

C. RÉFORMES ET PERSPECTIVES

Les réformes engagées depuis 2011 – indépendance financière vis-à-vis de l’industrie, renforcement de la gouvernance, amélioration de la gestion des conflits d’intérêts – constituent des réponses aux défaillances établies par la justice. Cependant, les mises en examen dans des affaires postérieures à ces réformes (Levothyrox, Dépakine) questionnent leur efficacité.

La préoccupation constante et quotidienne de la sécurité des patients, affichée par l’ANSM dans ses communications officielles, devra se traduire par des pratiques conformes aux exigences de transparence et de protection de la santé publique que la justice française a rappelées à travers ces condamnations historiques.

Sources officielles principales :

• Communications officielles de l’ANSM (29 mars 2021, 5 décembre 2022, 28 mai 2025)

• Décisions de la Cour de cassation (20 septembre 2017, 22 novembre 2017)

• Arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (7 mai 2025)

• Décision du tribunal judiciaire de Paris (9 septembre 2024)

• Rapport du Sénat (7 avril 2023)

Cette analyse se limite aux faits établis par les décisions de justice et les communications officielles. Les procédures en cours d’instruction demeurent soumises au principe de présomption d’innocence jusqu’à leur terme judiciaire définitif.

 

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